Education : mise en oeuvre des moyens propres a assurer la formation et le developpement d'un etre humain.La relation educative ne serait plus alors que le face a face de deux "chevaliers inexistants" pour citer Italo Calvino , deux armures brillantes et invincibles, vides de tout sujet humain. On le sait, l'acquisition de fondements theoriques pour penser l'action educative court toujours le risque de donner lieu a un effet pervers : celui de pretendre eliminer toute angoisse, tout conflit, tout ce qu'il y a de vivant dans une relation educative. Ce serait la utiliser le savoir 1Freud, oc. 3acquis comme une protection et une defense contre ce que l'on peut vivre d'un cote et d'autre. (i) A l'inverse, penser que la pratique educative puisse mettre a l'index tout appareil theorique, toute exigence de connaissance et de pensee rationnelle, reduirait le travail educatif aux termes d'un pouvoir personnel de l'educateur, a des dons indicibles et l'on ne depasserait guere ainsi une conception de la relation educative comme manipulation de forces affectives inconscientes, comme manifestation d'omnipotence infantile. Le Scylla de l'education, deuxieme ecueil que l'educateur navigateur risque de rencontrer sur sa route maritime est lie lui aussi n en un sens, a l'essor des sciences : l'idee pour les sciences d'un progres humain de domination de la nature, l'idee de domination de forces psychiques humaines individuelles et collectives (la psychologie, la sociologie, etc.) et meme depuis la psychanalyse des forces plus obscures. Mais cet essor est lui-meme en relation avec un imaginaire de conquete par la connaissance et de maitrise des choses. La forme de l'imaginaire investie dans la relation educative serait de penser cette relation comme un prototype et un modele de rapports humains ideaux a promouvoir. Ce serait cela le versant imaginaire du pouvoir educatif. Certes, on peut dire qu'il est dans l'idee meme d'education de faire progresser l'humanite, que toute education est porteuse du reve d'un monde meilleur. L'histoire de la pedagogie nous apprend qu'un tel reve est le moteur de possibilites creatrices, mais elle peut aussi nous apprendre - si nous le voulons bien - qu'il peut etre le frein a toute evolution quand il met en scene un monde humain idealise, une relation imaginaire parents-enfants debarrassee de tout conflit, de toute ambivalence de sentiments. On pourrait dire encore un monde magique ou tout conflit de generations s'effacerait par la mise en scene imaginaire d'un educateur, non plus parent mais personnage complice bienveillant, n'imposant aucune loi, aucune restriction, aucune parole paternelle. Il faut donc mettre ne question ce reve d'une relation educative ou aurait disparu toute reference a l'adulte porteur d'interdits et d'opposition a l'enfant incestueux, enfant desireux de toutes ses forces de posseder hors loi et hors limite, desireux de s'aliener a l'autre et de l'aliener a lui. Un reve d'une relation educative qui ne peut que tomber dans "la violence et la passion".Nous pouvons sans doute aller plus loin si nous pouvons penser les termes d'une formation a la relation educative qui ne se reduise ni a un enseignement, ni a une alienation identificatoire a un modele constitue.On aura compris que "etre autonome" n'est d'aucune maniere equivalent a "faire sa loi", au sens d'exercer un pouvoir tout puissant sur les autres et sur l'environnement en pretendant s'exclure de toute solidarite et de toute participation a l'espece humaine. Une telle facon de concevoir l'autonomie ne 2serait que la representation infantile, non evoluee de la toute-puissance des desirs. (f) Acceder a un statut de sujet desirant et pensant pour son compte personnel, a un pouvoir etre ne saurait precisement etre concu independamment d'un versant de normativation culturelle (qu'a l'ecole on appelle socialisation), de quelque chose qui inscrit la marque de la culture pour "humaniser".Entre deux ecueils symetriques Pour paraphraser Freud lorsqu'il dit que l'education doit trouver sa voie entre le Charybde de l'interdiction et le Scylla du laisser-faire, 1 les deux ecueils cruels aux navigateurs qui marquent le passage du detroit de Messine -, trop de repression des instincts, de la sexualite infantile, et trop de laxisme (pas assez d'interdits) - sont egalement nuisibles pour l'enfant, on pourrait dire qu'il y a deux ecueils majeurs susceptibles de faire devier l'action educative vers une absence de limites, avec pour consequence le naufrage de la relation educative.Par ces savoirs essentiels, il faut entendre les connaissances sur ce qu'il en est de l'appartenance a l'espece, la question de l'origine (d'ou viennent les enfants), les regles qui organisent les liens de parente et les echanges sexuels : les liens d'alliance possible ou interdits - la question de l'interdit de l'inceste et de l'exogamie - , les facons de se representer la vie, la mort, de repondre aux questions qu'elles posent a l'homme.pour qui reflechit au metier d'educateur ou s'y engage, il semble bien difficile de faire l'economie de ce corpus de connaissances deja constitue ou en voie de constitution ; ce faisant, il ne peut manquer tot ou tard de se trouver confronte a l'usage de ces connaissances dans la pratique, a l'usage qu'il peut ou ne peut pas en faire, et qui le renvoie necessairement aux desirs en jeu qui fondent son rapport a l'autre.(b) C'est parce qu'il s'adresse a un autre humain qui peut mettre en parole pour lui et devant lui sa propre experience aux autres humains et au monde, que l'enfant va pouvoir a son tour, dans ce lieu et par ce lien humain, mettre en parole son experience au monde et aux autres pour se l'approprier.Mais c'est la une notion qui trouve difficilement a se fonder d'un point de vue psychologique parce qu'elle recouvre une representation du developpement de l'enfant investie de tout un imaginaire qui pourrait porter a croire que nous pourrions acceder en nous a tous ce qui est, sans contrainte, sans restriction, sans limite.On peut traduire ceci en langage plus theorique en s'inspirant du langage psychanalytique pour dire que l'acces a l'autonomie, c'est la possibilite d'acceder a un statut de sujet desirant, un statut de sujet du desir par le degagement de sa dependance premiere au desir d'une autre - la mere, le pere interiorises, les images parentales internes - dependances premieres qui peuvent fonctionner, se cristalliser en alienations, en fixations.C'est ce que traditionnellement on appelle acquerir l'esprit critique, c'est a dire la liberte de penser en ses termes, de ne pas s'aliener a la pensee d'un autre, de pouvoir vivre l'echange, la confrontation avec d'autres non comme une menace pour son integrite mais comme une possibilite de s'enrichir dans cette confrontation.Dans cette position et a partir des connaissances acquises necessaires et exigibles pour l'educateur, connaissances sur les modeles theoriques, les lois du developpement psychique cognitif et affectif, l'educateur ne percevrait plus l'enfant en face de lui que comme l'enfant de la theorie, un enfant connu d'avance en termes de stades obliges de lois de fonctionnement definies scientifiquement.(d) Au revers d'une telle representation, l'acces a l'autonomie ne peut se faire sans renoncements, sans deuils, sans pertes et aussi sans conflits adulteenfant dans le lieu de la relation educative et sans que la culture n'impose ses marques, ses restrictions, ses exigences.L'education comme fait de culture On le sait, on ne peut penser une societe sans une fonction educative qui assure la transmission de generation en generation de savoirs essentiels au maintien et au developpement possible de cette societe dans son environnement physique et humain.Etre autonome, c'est se regir pas ses propres lois nous dit le dictionnaire.4