Tout le jour il parlait de son aventure, il la contait sur les routes aux gens qui passaient, au cabaret aux gens qui buvaient, a la sortie de l'eglise le dimanche suivant.Son innocence lui apparaissait confusement comme impossible a prouver, sa malice etant connue.Alors il recommenca a conter l'aventure, en allongeant chaque jour son recit, ajoutant chaque fois des raisons nouvelles, des protestations plus energiques, des serments plus solennels qu'il imaginait, qu'il preparait dans ses heures de solitude, l'esprit uniquement occupe de l'histoire de la ficelle.Il rentra chez lui, honteux et indigne, etrangle par la colere, par la confusion, d'autant plus atterre qu'il etait capable, avec sa finauderie de Normand, de faire ce dont on l'accusait, et meme de s'en vanter comme d'un bon tour.Il aborda un fermier de Criquetot, qui ne le laissa pas achever et, lui jetant une tape dans le creux de son ventre, lui cria par la figure : pour s'amuser, comme on fait conter sa bataille au soldat qui a fait campagne.Il mourut dans les premiers jours de janvier, et, dans le delire de l'agonie, il attestait son innocence, repetant : -- Une 'tite ficelle...une 'tite ficelle...Le mardi de l'autre semaine, il se rendit au marche de Goderville, uniquement pousse par le besoin de conter son cas.Maintenant, il etait tranquille, et pourtant quelque chose le genait sans qu'il sut au juste ce que c'etait.Malandain, debout sur sa porte, se mit a rire en le voyant passer.Il le sentait, se rongeait les sangs, s'epuisait en efforts inutiles.